WCT - Chroniques du Quik Pro France : Andy contre Bruce, une finale pour l'éternité

Récit d'une finale d'anthologie, opposant les deux frères Irons sur le spot de la Nord en 2004.

- @oceansurfreport -

Chaque mercredi avant le début du Quiksilver Pro France, qui prendra ses quartiers à Hossegor du 3 au 13 octobre 2019, Surf Report vous propose de remonter le temps afin de revenir sur les instants qui ont forgé l'histoire de la mythique épreuve landaise. Cette semaine : la finale d'anthologie, opposant les deux frères Irons sur le spot de la Nord en 2004..

"Dans le sourire d'Andy, on lisait la rage. Et dans ses yeux, on voyait des flammes." Le photographe Sylvain Cazenave s'en rappelle comme si c'était hier ; mais hier nous ramène quinze en en arrière. Nous sommes aux prémices de l'automne 2004 et à ce stade de la saison - le Pro France fait figure de 8e étape du Tour - le partenaire historique de l'event, Quiksilver, voyait déjà Kelly Slater s'emparer d'un septième titre de champion du monde. "Quik avait acheté le champagne favori de Kelly et l'avait mis au frais. Andy l'avait appris, ça l'a rendu fou", se souvient Sylvain, qui couvrait l'événement pour Nikon. Sa rivalité avec le Floridien n'en était pas à ses balbutiements. La saison précédente, le Chevalier Noir avait déjà coiffé le King sur le fil lors de l'ultime épreuve de Sunset Beach, remportant ainsi son premier titre mondial. Autant dire que le degré de lutte entre ces deux surfeurs que tout opposait avait quasiment atteint son paroxysme.

La Nord is the new Sunset

Dans son compte rendu de l'étape landaise du Dream Tour paru dans le numéro 208 de Surf Session (Novembre 2004), le rédacteur en chef Guillaume Dufau était catégorique. "Le dimanche des finales du Quiksilver Pro France 2004 restera dans l'histoire comme le plus beau jour de compétition qu'ait jamais connu Hossegor."  À l'aube, la Nord prend des allures de Sunset Beach. Les ondes qui proviennent du large se hâtent vers les larges bancs de sable d'Hossegor et une tempête d'offshore vient délicatement caresser ces murailles qui atteignent les trois mètres et ouvrent à n'en plus finir. Pour le site internet de Surfer Magazine, Evan Slater raconte : "Conditions : 6 à 12 pieds...Hawaïens (Je suis sérieux !)". Et Sunny Garcia d'ajouter : "Aujourd'hui, c'est vraiment Sunset. Un Sunset sans l'inside bowl, mais je n'ai pas surfé un Sunset aussi beau, offshore et parfait [...] depuis au moins 5 ans." Nos anciens rédacteurs de Surf Report, Michel et Jeff, expliquaient ce phénomène par l'impact d'une dépression à 995hpa sur l'Ouest de l'Irlande, qui ne cessait de creuser en se rapprochant des côtes atlantiques françaises. Et ce, fournissant une houle longue tout en gardant ses distances avec le sud-ouest de la France pour permettre au vent d'est de souffler en continu tout au long de la journée.

Sortie des footstraps

Un peu plus au nord de la zone de compétition, l'un des deux line-up apparents est subtilisé par les surfeurs de tow-in du coin - St Jean, Bénétrix, Basse, Liets -, qui, n'ayant pu résister à l'appel du large, assurent le spectacle en tracté. Mais au stade du carré final, le Quik Pro reprend ses droits auprès du public landais qui a totalement investi la plage. "C'était noir de monde !", se remémore Sylvain Cazenave. En demi-finale, Andy Irons vient assez facilement à bout de l'intrépide Sunny Garcia. De son côté, Bruce Irons, alors abonné aux contre-performances, traversait une période de doute et doit se défaire de Kelly Slater. "Quand mon frère a besoin de points, il est confiant alors que moi, je commence à ne penser qu'à ça. Je dois travailler sur ce blocage", confiait-il quelques mois auparavant à Sarge, dans une interview publiée dans le numéro 206 de Surf Session (Septembre 2004). Une fois n'est pas coutume, les beachbreaks landais permettent à Bruce de chasser ses vieux démons pour réveiller ceux de Kelly. Paralysé à l'inside, l'Américain ne cerne pas la mécanique de la vague d'Hossegor, et en remontant le pic, il ne peut qu'admirer, impuissant, le cadet de la famille Irons fendre l'épaule de ses trajectoires et tracer ses courbes en parfaite harmonie avec le déferlement linéaire des murs de la Nord. Avec un score total qui grimpe à 19,63pts, l'Hawaïen inflige une raclée à l'Américain et lui bloque les portes de la finale.

Pas de quartier

"Il était hors de question pour Bruce de se coucher pour son frère", raconte Sylvain. Avant la série, Andy sert la main de son frère aîné, comme un ultime geste de bienséance avant l'affront. Un dernier jeu de regard avant une potentielle humiliation. Car la rivalité des gamins de Kauai remonte bien au-delà de leur ascension sur le Tour. "On veut toujours se différencier, pas seulement en surf, mais pour tout. On se dit : 'Je suis le premier, toi t'es le deuxième', ce sera toujours comme ça", révélait Bruce lors de cette même interview parue dans Surf Session. Deux frères s'affrontent et c'est une grande première pour l'histoire de l'ASP. Comme "un remake de leur joutes à Pine Trees quand, enfants, ils se bagarraient pour savoir qui étaient le meilleur des deux", retrace Guillaume Dufau. Andy face à Bruce, un duel où la complicité fraternelle devait laisser place à une lutte fratricide. Finalement, Andy tue d'emblée tout espoir de victoire pour son frère, et se montre à la hauteur des attentes. Une première vague notée à 9pts, une seconde à 8pts. Aucune chance pour Bruce de rivaliser.

À graver dans le marbre

Andy a doublement brillé, une première fois en battant son frère. Une seconde fois en montant deux marches au-dessus de celle de Kelly sur le podium. Quelques mois plus tard, il soulèvera le trophée de champion du monde ASP à Pipeline, le deuxième de sa carrière. Et cette aventure sur le Quik Pro France fut sans aucun doute un des chapitres les plus intenses de sa saison. Plus qu'un simple dénouement, une finale pour l'éternité.

   
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