Un peu plus au nord de la zone de compétition, l'un des deux line-up apparents est subtilisé par les surfeurs de tow-in du coin - St Jean, Bénétrix, Basse, Liets -, qui, n'ayant pu résister à l'appel du large, assurent le spectacle en tracté. Mais au stade du carré final, le Quik Pro reprend ses droits auprès du public landais qui a totalement investi la plage. "C'était noir de monde !", se remémore Sylvain Cazenave. En demi-finale, Andy Irons vient assez facilement à bout de l'intrépide Sunny Garcia. De son côté, Bruce Irons, alors abonné aux contre-performances, traversait une période de doute et doit se défaire de Kelly Slater. "Quand mon frère a besoin de points, il est confiant alors que moi, je commence à ne penser qu'à ça. Je dois travailler sur ce blocage", confiait-il quelques mois auparavant à Sarge, dans une interview publiée dans le numéro 206 de Surf Session (Septembre 2004). Une fois n'est pas coutume, les beachbreaks landais permettent à Bruce de chasser ses vieux démons pour réveiller ceux de Kelly. Paralysé à l'inside, l'Américain ne cerne pas la mécanique de la vague d'Hossegor, et en remontant le pic, il ne peut qu'admirer, impuissant, le cadet de la famille Irons fendre l'épaule de ses trajectoires et tracer ses courbes en parfaite harmonie avec le déferlement linéaire des murs de la Nord. Avec un score total qui grimpe à 19,63pts, l'Hawaïen inflige une raclée à l'Américain et lui bloque les portes de la finale.
Pas de quartier
"Il était hors de question pour Bruce de se coucher pour son frère", raconte Sylvain. Avant la série, Andy sert la main de son frère aîné, comme un ultime geste de bienséance avant l'affront. Un dernier jeu de regard avant une potentielle humiliation. Car la rivalité des gamins de Kauai remonte bien au-delà de leur ascension sur le Tour. "On veut toujours se différencier, pas seulement en surf, mais pour tout. On se dit : 'Je suis le premier, toi t'es le deuxième', ce sera toujours comme ça", révélait Bruce lors de cette même interview parue dans Surf Session. Deux frères s'affrontent et c'est une grande première pour l'histoire de l'ASP. Comme "un remake de leur joutes à Pine Trees quand, enfants, ils se bagarraient pour savoir qui étaient le meilleur des deux", retrace Guillaume Dufau. Andy face à Bruce, un duel où la complicité fraternelle devait laisser place à une lutte fratricide. Finalement, Andy tue d'emblée tout espoir de victoire pour son frère, et se montre à la hauteur des attentes. Une première vague notée à 9pts, une seconde à 8pts. Aucune chance pour Bruce de rivaliser.
À graver dans le marbre
Andy a doublement brillé, une première fois en battant son frère. Une seconde fois en montant deux marches au-dessus de celle de Kelly sur le podium. Quelques mois plus tard, il soulèvera le trophée de champion du monde ASP à Pipeline, le deuxième de sa carrière. Et cette aventure sur le Quik Pro France fut sans aucun doute un des chapitres les plus intenses de sa saison. Plus qu'un simple dénouement, une finale pour l'éternité.