Surf - Interview : Justine Dupont à l'assaut de Nazaré

- @oceansurfreport -
WSL / Rafael G.Riancho

Il y a presque deux semaines Justine Dupont prenait la plus grosse vague de sa vie à Nazaré, aujourd'hui elle se confie à Surf Report sur sa saison d'hiver et son challenge. La surfeuse pro sponsorisée par Redbull espère recevoir le soutient de nouvelles marques, elle qui bat des records en s'attaquant aux plus grosses vagues jamais surfées par des femmes. Véritable waterwoman, elle nous parle de son entrainement intensif, de son équipe, de sa progression et de ses objectifs à venir comme Mavericks...

En ce moment tu es principalement à Nazaré pour surfer du gros, est-ce que tu peux nous parler un peu de ton entrainement ?

La partie la plus importante de ma préparation c'était cet été, avec beaucoup d'apnée et de la préparation physique. Avec Brice Benhadi maintenant le but c'est de tenir sur la longueur et de gérer la saison entièrement. Je continue les entrainements d'apnée à la piscine de Nazaré quand il n'y a pas de gros swell. La Mairie fait vraiment le maximum pour laisser la piscine disponible afin que les surfeurs de gros puissent s'entrainer là-bas. 
Quand je travaillais mon apnée en France avant la saison c'était très régulier : 2 fois par semaine avec le Biarritz Chasse Ocean et une fois par mois nous allions à la fosse à la Teste. Mais là c'est un peu plus aléatoire puisque dès que la vague est là je suis à l'eau.
Je fais aussi du bodysurf quand les conditions sont moins bonnes. Mais aujourd'hui c'est surtout beaucoup de pratique à l'eau : il faut tester le matériel, gagner en expérience, aller de plus en plus vite, apprendre à supporter le clapot... Et à la rame c'est pareil, il faut s'habituer aux grandes planches. 

Tu as aussi fait un aller-retour à Belharra ?

Oui on s'y est rendu mais juste pour la journée car une houle arrivait aussi à Nazaré. J'avais surfé Belharra l'année dernière à la rame et sans vent, mais je n'avais pris qu'une demi vague... Je n'étais pas vraiment satisfaite et donc je m'étais dit, dès que les conditions sont bonnes j'y retourne. Cette année je n'ai pas non plus eu de super vagues mais ce n'est pas grave, ça arrivera. C'est quand même un spot super exigeant et surtout un gros challenge à la rame. En tous cas je me suis sentie davantage en confiance cette année grâce à tous ces entrainements à Nazaré.


Tu as une équipe dont tu es très proche et qui t'accompagne partout, est-ce qu'on peut en savoir plus sur elle, qui sont tes acolytes ?

Mon acolyte c'est Fred David, c'est aussi mon copain, il est tout le temps à mes côtés. Il est sur le jet ski, c'est vraiment celui avec le quel je m'entraine le plus. Pour les compétitions de grosses vagues je stresse pas mal, en plus souvent tout se fait à la dernière minute donc c'est rassurant de l'avoir toujours avec moi.
Il y a aussi Pierre Rollet et Julian Reichman, deux amis français qui sont aussi surfeurs et qui nous rejoignent chaque fois à Nazaré. 
Cette équipe elle est très importante car ce sont des conditions extrêmement exigeantes en terme de sécurité. Un seul pilote sur une grosse vague comme ça c'est insuffisant. Il faut que les jet ski puissent tourner, faire la sécu, puis ils prennent des vagues à leur tour... Ces 3 hommes c'est vraiment l'équipe de « l'action » mais il y a aussi toutes les personnes dans l'ombre qui m'ont aidés tous les jours, ma famille, mes amis, mes proches. Je remercie aussi mes partenaires pour leur soutien Red Bull, AllRoad Mobile, Smart Grid Energy, la Région Nouvelle Aquitaine et le Département des Landes.

À force de Surfer du gros ça ne te donne pas l'impression de faire du mini golf quand tu retournes sur des vagues normales ?

(Rires) Non ça va j'utilise vraiment différents supports. Je m'amuse autant avec n'importe lequel d'entre eux. Par exemple je prends beaucoup de plaisir à faire du Stand Up, c'est un autre petit bijou qui fait travailler l'équilibre et le physique en général, ça a un coté sympathique. Et pour les petites conditions je me suis mise récemment au surf à foil, c'est Gong qui m'a équipé et j'adore ça. Même si le foil permet d'aborder des vagues plus petites, ça reste un réel défi. J'ai vraiment ressenti des sensations assez fortes alors que pour l'instant je fais juste des travers et des « tout droits » dans de minuscules vagues.

C'est vrai que tu as surfé avec un foil il n'y a pas très longtemps, qu'est ce que tu en as pensé ?

C'est explorer des vagues qui jusqu'à présent à mes yeux n'avaient pas d'intérêt. Je veux dire par là que ces petites vagues ne m'apportaient pas vraiment de sensation, et puis je n'avais pas de support adapté. Mais là avec un foil c'est vraiment parfait dans des vagues petites et molles, alors que d'habitude c'est justement quand il y'a ce genre de vagues que je ne vais pas à l'eau. Le foil permet de travailler énormément l'équilibre, puis il n'y a pas de bruit, pas de frottement... On a l'impression de voler, un peu comme une mouette au-dessus des vagues. C'est une sensation un peu dérangeante au début, on en apprend vraiment sur soi. C'est un peu comme se faire tracter : il faut être vigilant sur le clapot, l'erreur est quasiment interdite, on est concentré chaque seconde pour éviter la chute. C'est un peu la même pour le foil, la concentration est extrême donc on vit la chose pleinement. D'ailleurs il y a pas mal de surfeurs de gros qui se sont mis au foil pour avoir des sensations fortes dans les petites vagues.

Pourquoi avoir choisi de surfer du gros ? Quel a été l'élément déclencheur ?

Quand j'ai raté les qualifications pour le WCT, ils ont annoncé les premiers championnats du monde de surf de grosses vagues pour les femmes à Jaws et j'étais dans la liste, donc je suis partie là-bas. Ensuite Belharra a fonctionné, j'avais besoin d'adrénaline et de grosses vagues, j'en avais toujours eu envie au fond. Voilà comment j'ai décalé à Nazaré, c'est plus un enchaînement de choses qu'un élément déclencheur.  Je me suis écouté, j'ai écouté mes entrailles et mon coeur et j'ai su ce dont j'avais envie. Après 10 ans de compétition, il me fallait un nouveau défi, je voulais repousser mes limites. J'ai donc décidé de partir dans ce challenge et de le vivre pleinement et avec Fred on s'entendait sur cette discipline, sur ce choix... C'est comme ça que je me suis lancée dans cette pratique incomparable, pour en apprendre plus, et on ressent des émotions qui sont très très fortes...



Qu'as tu ressenti la première fois que tu as surfé la vague de Nazaré? C'était il y'a combien de temps ?

Et bien la première fois que j'ai surfé Nazaré c'était l'année dernière, la vague n'était pas immense par rapport à ce qu'on peut voir lors des gros swell. Et puis il y a des étapes, tu surfes la vague de plus en plus grosse en partant d'une rame dans 2 mètres. Je me souviens qu'au début j'appréhendais beaucoup Nazaré alors qu'en fait la première fois qu'on y est allé, c'était une taille que j'avais déjà surfé. Mais c'est le tout qui me faisait redouter cette vague : le lieu mythique, le phare, la brume, la côte sauvage, c'est brut... La valise Nazaré quoi !

Il y a quelques jours tu as dit avoir surfé la plus grosse vague de ta vie à Nazaré ?

Oui je ne sais pas quelle taille elle faisait mais c'était gros, immense. C'est le plus gros swell que j'ai jamais vu depuis que je surfe là bas. En vrai on ne se rend plus compte de la taille, on parle davantage de puissance... Ce qui est sûr c'est que les plus grosses vagues de la saison et peut-être les plus grosses du monde ont été surfées pendant ce swell à Nazaré.

Tu étais au Pe'ahi challenge mi janvier, comment ça s'est passé ?

Les conditions étaient bien plus clémentes que l'année dernière. L'an passé il y avait beaucoup de vent, en plus j'y surfais pour la première fois. Il y avait eu des blessés dans ma série, des chutes violentes juste sous mes yeux... À cette époque je sortais d'un an à fond sur des compétitions du QS donc ce n'était pas évident... Mais cette année j'étais contente d'arriver là bas, c'était hyper joli, j'ai eu plein de vagues... Je suis heureuse de pouvoir dire que j'attends l'année prochaine avec impatience.

Quels sont tes projets dans un futur proche ?

La saison est bien entamée mais il reste (pour nous les femmes) une épreuve de la WSL à la rame à Mavericks. Ça sera une première. Ici au Portugal, j'ai vraiment progressé et mon équipe aussi, mais je ne suis pas allée au bout de ce que je voulais. Je voudrais ramer davantage et avoir des lignes encore plus engagées sur les grosses sessions de Tow-In. Au final la première année à Nazaré c'était comme de l'observation, la deuxième c'était une mise en place d'une équipe et maintenant c'est de la pratique et de la progression.

Est-ce qu'on peut connaitre ton objectif principal pour 2018 ?

Pour 2018 je me concentre vraiment sur Nazaré à la rame et en Tow-In, et profiter de toute l'expérience que j'ai accumulée pendant ces deux hivers ici. Maintenant on connaît bien notre matériel on comprend mieux les prévisions et on sera beaucoup plus efficace. Il y aura probablement trois étapes l'année prochaine pour les Championnats du monde de surf de gros (Jaws, Mavericks et Nazaré), c'est un gros objectif aussi. Surtout l'étape de Nazaré... J'aimerais également me re-qualifier pour les championnats du monde de Longboard et de Stand Up Paddle. Les Jeux Olympiques de surf approchent à grand pas et je compte aussi défendre mes chances pour représenter la France à l'occasion de cette première mondiale. Après j'ai plein d'autres projets en tête mais ce sera pour plus tard, chaque chose en son temps !

Pensez à suivre son aventure sur son compte Instagram officiel @Justinedupont33 où elle partage chaque jour les étapes de son challenge. 

           
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