Un bruit sourd rompt le silence de cathédrale qui a envahi la Rip Curl House depuis que la nuit a plongé le North Shore d'Oahu dans une obscurité totale. Il est cinq heures du matin et Corey Wilson se réveille en sursaut : "J'ai vu quelqu'un courir à travers ma chambre avec une lampe torche. J'ai cru qu'on était entré par effraction dans la maison !" Le photographe de la marque australienne se précipite dans la cuisine et tombe nez-à-nez avec Mick Fanning. Assis autour de la table, le surfeur originaire de Penrith éclate en sanglots. Quelques minutes plus tôt, sa mère frappait à la porte de la chambre du triple-champion du monde, en larmes, annonçant que Peter, le frère ainé de Mick, était décédé des suites d'une crise cardiaque lors de son sommeil.
Année noire
À 34 ans, l'Australien vivait alors une nouvelle tragédie, lui qui avait déjà connu maintes fois la perte d'êtres très chers. En 1998 et alors qu'il n'était pas majeur, le gamin de Coolangatta apprenait la disparition de son autre frère, Sean, dans un accident de voiture. Le cadet de la famille Fanning était sa source d'inspiration, et les deux frangins partageaient la même volonté de briller sur le World Tour. En 2013, il voyait un autre de ses proches mourir. Son chien Taylor, nommé en hommage à son surfeur préféré d'alors,Taylor Knox, qu'il avait recueilli dix-sept ans auparavant à la fourrière. "J'ai traîné cette souffrance pendant des mois", avait-il raconté au journaliste Sean Doherty. 2015, la même saison où il fut victime d'une attaque de requin lors de l'épreuve de J-Bay, restera donc dans les mémoires comme une année noire pour le surfeur australien.
Mental d'acier
Quelques mois auparavant, les deux frères avaient eu une discussion. Peter, qui révélait rarement ses sentiments, avouait à Mick que l'une des choses qu'il préférait faire était de regarder son petit frère rivaliser avec les meilleurs surfeurs mondiaux sur le Tour, et que cela le rendait fier. En ce 17 décembre 2015, jour de finale sur le Pipe Masters, ces mots ont sans doute résonné dans l'esprit du leader au général. Au petit matin, ses amis le réconforte et l'incite à ne pas endosser son lycra pour prendre part à la série qui l'oppose à Jamie O'Brien. Mais tout en sachant que son frère veillerait sur lui, Mick écoute son cœur et prend la direction du reef redouté de l'archipel mythique du surf. Avec la sérieuse volonté d'en découdre.
Heat légendaire
L'option de la gauche s'est avérée la plus intéressante.
©Laurent Masurel
La tête ailleurs
Cette année-là, c'est Adriano de Souza qui sera sacré maître de Pipeline, devenant par ailleurs le premier Brésilien à remporter la prestigieuse épreuve hawaïenne, dans un Backdoor diminué par une chute de swell et balayé par les vents. Par la même occasion, le natif de Guaruja se verra couronner champion du monde 2015, le chemin de Mick Fanning s'étant arrêté aux portes de la finale. Mais les pensées de l'Australien étaient ailleurs : "Perdre le titre n'a pas été douloureux. À la fin de la journée, je n'avais que Pete dans mon esprit. À la suite de ce heat, j'ai découvert que mes amis d'enfance avaient pris un vol direct pour Hawaii pour me soutenir. Ce jour-là, j'ai perdu. Mais j'ai réalisé que dans la vie, j'étais en train de gagner."
Relire nos chroniques du Pipe Masters :
- Didier Piter, l'état de grâce en 2001
- Miky Picon, nom d'une Pipe !
- Michael Ho, à la force du poignet (cassé)
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