Entre la sécurité, la médiatisation, les enjeux financiers et la notion d'engagement personnel, la pratique du surf de grosses vagues divise et alimente les débats. À l'approche de l'hiver et à la veille d'un swell annoncé comme historique, cette question semble légitime : est-il sain, au nom de la reconnaissance financière, du processus de légitimation et de la quête de soi, de tout risquer pour prendre une vague ?
Tom Butler, un surfeur originaire de Newquay (Angleterre) dont la renommée dépasse largement les frontières du territoire britannique, auteur d'une vague légendaire à Nazaré (Portugal), a sa petite idée. Sur les réseaux sociaux, le trentenaire a exprimé son opinion sur ses nouvelles motivations, l'état actuel du surf de gros et les limites des compétitions officielles.
Tom Butler.
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Tom Butler : "Les grosses houles d'hiver arrivent et on me demande quels sont mes plans pour la saison à venir. Pour l'instant, je ne compte pas chasser la houle à l'étranger et j'ai décidé de décliner mon invitation pour l'événement de Nazaré. Je fais une pause nécessaire dans ma quête des swells et des plus grosses tempêtes en Europe. À 31 ans, je suis satisfait de ce j'ai accompli par le passé mais je me sens un peu épuisé d'avoir essayé de monétiser mon sport. Être un athlète professionnel peut être une poursuite très égoïste pour atteindre un haut niveau.
Le surf de grosses vagues est un sport de contact qui a des conséquences, c'est inévitable. Il est donc essentiel de se préparer avant la saison, de manière régulière, pour être à l'aise et saisir sa chance au moment venu. Avec la naissance de mon fils, je préfère consacré mon énergie et mon temps à ma famille. Ces six derniers mois, le fait de me simplifier la vie, me libérer de cette pression liée à la performance et me focaliser sur des spots proches de chez moi m'a rendu heureux. Et avoir Ziggy près de moi me comble tellement que j'ai l'impression d'avoir surfé une vague de 30m quasiment tous les jours.
La réalité du terrain, c'est que peu de surfeurs de grosses vagues parviennent à obtenir le soutien financier nécessaire pour assurer la bonne sécurité de notre sport. Pour moi, on passe plus de temps derrière un écran d'ordinateur qu'à surfer. Le fait de me commercialiser en tant qu'athlète m'a enlevé tout le plaisir de ce que je faisais. Quand on s'engage dans un sport comme le surf de grosses vagues, qu'on fait les sacrifices et les investissements nécessaires, on espère pouvoir remporter des titres et recevoir la reconnaissance que méritent ces performances. Je ne parle pas seulement pour moi, mais je pense que beaucoup de surfeurs qui ont participé aux WSL Big Wave Awards et aux compétitions de gros ressentent la même chose. Faire en sorte que notre sport soit pratiqué dans un cadre compétitif alors que les conditions sont dantesques, c'est sans doute une mauvaise décision. Mais probablement la bonne d'un point de vue commercial.
Prenez le Nazaré Challenge de l'année dernière, le comité d'organisation a complètement trompé les athlètes. Ils ont déclaré : "Cette année, travaillons ensemble et faisons de cet événement quelque chose d'énorme et de profitable pour tous les participants", puis ils ont demandé à Red Bull d'être le sponsor principal et de ne rien dire jusqu'au jour de la compétition. Récupérer mon gilet gonflable au comptoir Red Bull sans rien recevoir en retour ne me convient pas, surtout quand il y a tant de choses en jeu. Et lorsque vous demandez au directeur de la compétition de s'excuser auprès de tous les surfeurs après l'événement, il répond seulement : "désolé pour la manière dont la diffusion sur le web et la couverture post-événement a été réalisée".
Quand on voit toute l'injustice qui existe dans le monde, c'est pathétique, même en pensant comme ça, mais j'espère que certains de mes mots parviendront aux oreilles des personnes concernées, pour que les surfeurs actuels et que la prochaine génération bénéficient d'un système plus équitable."
Photo à la une : Máquina Voadora/WSL
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