Autres - Rencontre avec Darrick Doerner

La légende du Tow-In

- @oceansurfreport -

On parle beaucoup de Laird Hamilton, mais on avait un peu oublié la légende du Tow-In, Darrick Doerner, pionnier du surf de gros, inventeur du Tow-In et cascadeur à ses heures perdues dans Die Another Day ou dans Point Break. Pour vous, lors du Billabong Pipe Masters, notre reporter et photographe Romuald Pliquet a eu l’honneur de rencontrer celui que l’on surnomme « Double-D ».

Romu nous raconte : « Le North Shore a donné il y a quelques semaines l’épilogue à la saison 2013 du circuit mondial ASP en couronnant pour la 3ème fois, l’Australien, Mick Fanning dans des conditions mémorables. Pipeline a, en effet, revêtu ses plus beaux atouts pour graver un peu plus encore dans la légende la suprématie du maître du spot : le septuple Pipe Masters Kelly Slater.

Mais, ce matin j’ai rendez-vous avec un autre surfeur hors du commun : pionnier et inventeur du Tow-In, monsieur Darrick Doerner. Assis l’un en face de l’autre sur une table sur la plage d’Haleiwa, l’interview tourne rapidement en une discussion passionnée et les questions préalablement préparées sont vite noyées par les anecdotes et les yeux pétillants de ce grand homme qui ne vit que pour l’Océan et son fils, Tiger. »


OSR : Que penses-tu si je te dis qu’il y a 4 catégories de surfeurs : ceux qui surfent de temps en temps, les vrais accros qui à peine levés le matin checkent les conditions, les pros et, enfin, les légendes qui sont de véritables extraterrestres comme toi ?

Darrick Doerner : (il sourit) D’une certaine façon, cela est vrai mais nous avons tous en commun l’amour de l’Océan, la recherche du challenge, d’expériences et de leçons à apprendre. Il n’est pas nécessaire de rider de grosses vagues, toutes les vagues que tu surfes t’apprennent quelque chose. Par contre, quand tu es pro, tu surfes pour un travail. Par exemple, John John surfe depuis très jeune, il a gagné beaucoup d’argent rapidement avec les responsabilités que cela engendre au regard de l’industrie du surf. Quand tu surfes, tu commences par le « bottom » et après plusieurs années tu dois rester dans le « curl » ; John John, lui, est arrivé dans le « curl » si rapidement ; il a désormais, beaucoup de pression…

 

OSR : Qui a eu, un jour, l’idée de faire du Tow-In ?

Darrick Doerner : Le Tow-In vient du surf de grosses vagues, de la volonté de surfer des monstres. Au départ, nous avons utilisé nos différentes connaissances pour l’adapter au surf de grosses vagues : footstraps, snowboard, windsurf, etc… Mais il fallait trouver l’idée de LA board qui allait être adapté et efficace pour dévaler à pleine vitesse ces monstres. Pour le premier « shape » nous avons disposé des straps sur la base des emplacements de ceux d’un snowboard sur un surf. Mais très rapidement, dès les premiers essais, nous savions que le Tow-In allait être le « Sport of King » et que la sécurité était aussi primordiale qu’une bonne planche…

Ensemble nous allions changer les choses… Aujourd’hui, des gars comme Shane Dorian ou Kohl Christensen arrivent à prendre à la rame des vagues gigantesques mais le Tow In reste différent, c’est une autre idée, dimension du surf de grosses vagues.

Mais pour en revenir, à la personne qui a eu l’idée du Tow In, c’est Flippy Hoffman (pionnier du surf de gros dans les années 50) ! Il est venu nous voir, un jour, Laird et moi et nous a dit « et les gars, vous qui ridez sur toutes sortes de supports, je viens d’avoir une idée : il faudrait se faire remorquer pour surfer des vagues énormes ! ». Laird a tout de suite adhéré à sa vision et est parti dans la foulée s’entraîner dans les montagnes pour faire du snowboard. Cela a duré 10 ans avant nos premiers essais sur l’eau ….

 

OSR : Te souviens-tu du premier essai en Tow In ? Peux-tu nous en dire plus sur ce fameux jour ?

Darrick Doerner : Il y avait Buzzy Kerbox dans le zodiac et Laird et moi étions au line-up… C’était à Outside Backyards, les conditions étaient parfaitement glassy et nous attendions LA série dans le zodiac quand tout d’un coup Laird a tenté le 1er ride au coucher du soleil ; c’était magique ; nous venions de changer l’histoire du surf ! Nous sommes devenus le 1er équipage au monde avec des straps et tracté avec un groupe d’hommes. Toutes ces centaines d’heures d’expérience mais aussi la sécurité, la technique, les straps, les rockers et le plus important les dérives ont construit ce jour historique.

 

OSR : Tu affirmes que les dérives sont le plus important dans le Tow In, ce n’est pas le poids de la planche ?

Darrick Doerner : A Jaws nous avons besoin de billes de plomb pour alourdir la planche. C’est en effet nécessaire en raison de la vitesse et du clapot : cela te donne plus de contrôle et de stabilité dans la carène qui est face à la pente. Beaucoup de monde essaye de nous copier mais leurs planches sont souvent trop légères. Mais l’essentiel reste les dérives. Quand tu descends à 45 km/h, tu as besoin d’excellentes dérives, les meilleures sont celles de Curtis Fins !

Nous nous sommes concentrés sur la cavitation et avons apporté beaucoup de correction avant de trouver ce qui fonctionne et les Curtis Fins dans des box fins c’est ce qui marche le mieux pour le moment… La cavitation est, en effet, essentiel au même titre que le vent sur les ailes d’un avion. Ensuite, nous avons Gerry Lopez et Dick Brewer qui travaillent ensemble pour nous faire les meilleures planches.

 

OSR : Ta 1ère session à Jaws ?

Darrick Doerner  Première impression : la peur !! Et puis après, «oh, … Fuck !!! » C’est Dave Kalama qui m’a lâché ; je l’ai juste entendu crier « GO ! », après j’ai suivi le soleil… Mais la 1ère véritable session, en jet ski, à Jaws c’est Victor Lopez qui l’a faite sur Peahi Left. Seulement sur la gauche puisque sur la droite c’était trop à l’intérieur et près des rochers… A Jaws, Le Tow In prend vraiment toute sa dimension de « sport des rois » et la 1ère règle que tu dois respecter et suivre c’est « Do not tow surf ! » …

 

OSR : Qui a découvert Jaws ?

Darrick Doerner : C’est Gerry Lopez en hélicoptère. Il nous a appelé un jour en nous disant qu’il venait de découvrir quelque chose et qu’il voulait nous montrer ce que c’était… Il nous avait dit que c’était bien différent de tout ce qu’il avait vu jusqu’à maintenant alors nous avons pris l’avion de suite et nous sommes allés le rejoindre à Maui. Quand nous sommes arrivés sur le spot ; oh mon Dieu, c’était énorme du haut à la base de la vague ! Nous sommes restés toute la journée à l’observer et le lendemain nous sommes allés avec Laird en jet ski avec seulement une tasse de café dans le bide. Il y avait beaucoup de vent et nous n’avions pas nos planches strappées ; peu importe pour Laird qui lui a décidé d’y aller sans straps. Nous sommes restés 4/5 heures d’affilées à surfer et à la fin de la session Laird nous a lâché « nous allons en profiter au max avant d’en parler autour de nous ! » Il y avait 30/40 pieds et le tube ressemblait à un œil de dragon… On ne savait pas ce qu’il y avait derrière et puis on a lâché c’est « Jaws ! » Quand nous sommes rentrés, nous avons beaucoup bu cette nuit là « WE ARE ON THE MOON » Maintenant, il arrive qu’il y ait plus de 75 jet skis et quant à imposer des règles : les surfeurs n’ont pas besoin de leçons. Alors, il n’est pas rare de voir 10 à 20 jet skis s’écraser sur les rochers les jours de grosses sessions… Ken Bradshaw a tenté d’imposer des règles mais par moment c’est l’anarchie. Le côté positif, c’est que ce sont les rameurs qui ont apporté un peu plus de silence sur le spot ces derniers temps.

 

OSR : Ne penses-tu pas que, désormais, beaucoup de surfeurs s’attaquent à Jaws avec comme unique ambition la course à la gloire et à l’argent ?

Darrick Doerner : Exactement ! Beaucoup viennent à Jaws pour devenir célèbre et empocher un gros chèque !! Je me souviens d’un Allemand, dont je ne me souviens plus du nom, qui a remporté un prix et donc un gros chèque au XXL Billabong Big Wave Awards et qui s’est fait sifflé par l’assistance puisque ce gars là venait de surfer Jaws pour la première fois de sa vie et n’avait pas plus d’expérience que cela. Il avait seulement lâché la corde au bon moment …

Mais ce qu’il faut surtout retenir dans cette histoire, c’est qu’ils sont beaucoup comme lui qui viennent chercher de l’argent à Jaws et ils ne respectent pas Mère Nature. Mère Nature reste le boss !! Ils n’ont pas de cerveaux …

 

OSR : Une bonne session à Jaws ?

Darrick Doerner : 6 équipages au line up et 100 pieds et plus …

 

OSR : Où as-tu vu la plus grosse vague ?

Darrick Doerner : A Teahupo’o, lors de la Millenium Wave de Laird. C’est la plus monstrueuse chose que j’ai jamais vu ! Mais attention, bientôt des gens vont mourir là-bas. Je m’explique : désormais avec l’aide de site comme Surfline, tous les surfeurs ont accès aux prévisions météorologiques et font route vers Teahupo’o pour se faire photographier, devenir célèbre et trouver un sponsor au détriment de la sécurité. Ils n’ont pas acquis assez d’expérience et emmagasiné de sessions de gros surf dont ils ont besoin avant de se lancer dans un monstre pareil …

 

OSR : Y a-t-il une vague que tu n’as pas surfée et que tu aimerais surfer ?

Darrick Doerner : Mullaghmore ! J’aimerai bien y aller, il n’y a personne : juste toi et un peak !

 

OSR : Es-tu du même avis que Laird sur son analyse à propos du ride historique de Carlos Burle cet hiver à Nazaré ?

Darrick Doerner : Je suis d’accord avec tout ce que dit Laird et, me concernant, c’est la même chose pour lui !

 

OSR : Comment vois-tu évoluer le Tow In ?

Darrick Doerner : Je suis actuellement en train de mettre sur pied le premier contest de Tow In qui s’appellera « The King ». Cela sera basé sur le même principe que l’Eddie Aikau à savoir une liste d’invités et la waiting period s’étalera aux mêmes dates que l’Eddie. La liste d’invités sera essentiellement composée d’Hawaiiens et de seulement deux équipages par pays pour les autres nations. Il y aura donc 32 équipages soit 64 hommes.

 

OSR : Que penses-tu de la nouvelle collaboration entre Gerry Lopez et Robby Naish pour la conception de planches ?

Darrick Doerner : Oh mon Dieu, c’est une grande chose ! J’ai aussi travaillé avec Gerry et Robby et le fait que Gerry ait rejoint le Team Naish c’est une chose importante. Gerry est parfait et le fait de travailler pour Kai Lenny c’est magique. Kai est un ami et une vraie bonne personne, il est en passe de suivre le chemin de Laird. Je lui ai d’ailleurs téléphoné l’autre jour en lui disant de rester calme et de ne surtout pas se remettre à l’eau trop tôt pour que sa blessure au pied se cicatrise correctement puisque le pied c’est un élément essentiel en surf…


Attention Darrick, reprends ton souffle c’est l’interview rapido :

La recette d’un jour parfait ? – personne à l’eau, 8/10 pieds, parfaitement off shore et n’importe où
Ta chanson préférée ? – One Love de Bob Marley
Un cri de joie ? – Oh …
Ton plat favori ? (en français) « moi, je t’aime poisson cru »
Ta boisson préférée ? – bière
Un dernier mot ? - réalisez vos rêves

 

Merci Darrick !!! Quel jour mémorable et quel homme formidable ; ce gars là est un vrai grand Monsieur.

Alo)(a

Romu

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