Environnement - Le projet CURL évalue l'exposition des surfeurs à la pollution chimique

"Si les résultats sont concluants, on pourra ensuite dupliquer le projet et le disséminer à l'échelle nationale puis européenne."

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- Initialement publié le 18 août 2022 -

Les surfeurs sont de plus en plus nombreux le long de la côte Atlantique française, et nous ne comptons plus le temps qu'ils passent dans une eau dont l'état sanitaire demeure inconnu. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à être potentiellement exposés aux diverses substances (industrielles, urbaines, domestiques, agricoles ou chimiques) qui se déversent dans les eaux littorales. Exposition dont nous ignorons les risques qu'elle pourrait avoir sur la santé humaine. L'ensemble des usagers de l'océan est concerné, mais aucune étude n'a encore été menée pour en connaitre les risques. C'est la raison pour laquelle le projet CURL a été lancé par Surfrider Foundation.

Pour en savoir davantage sur le sujet, nous avons échangé avec Marc Valmassoni, l'hydrogéologue expert en qualité de l'eau chez Surfrider à l'initiative du projet. 



Un projet expérimental et novateur 

Né en 2020, le projet CURL est expérimental et totalement inédit. Aucun projet avant lui ne s'était jamais vraiment intéressé à l'exposition des usagers aux polluants chimiques présents dans l'océan et aux risques qui y sont liés. « On a une idée, on la teste puis on voit ce que ça donne ! » affirme Marc. 

Le chercheur est parti d'un constat : le manque crucial d'informations concernant la présence de ces polluants chimiques dans l'océan. De nombreuses études environnementales sont menées à propos de l'impact de la pollution sur la biodiversité, mais il n'en existe aucune sur les enjeux sanitaires que pourraient représenter ces polluants chimiques sur l'Homme. Si la directive des eaux de baignade effectue des prélèvements ponctuels qui déterminent la qualité bactériologique de l'eau, elle n'étudie pas la qualité chimique. 

Ce projet est donc né du désir de Marc de répondre aux attentes et aux inquiétudes des adhérents et des bénévoles de l'association :

"J'ai lancé un questionnaire dans le courant de l'été pour déterminer les paramètres à prendre en compte dans le contexte de la révision de la directive des eaux de baignade. 98% des adhérents interrogés ont manifesté leur inquiétude quant à la présence de substances chimiques dans l'eau. Mais avant d'en connaitre les risques, il faut tout d'abord en déterminer la présence. Pour l'instant on ne sait rien. Peut être que l'on ne trouvera rien. Mais j'ai souhaité répondre à l'attente des adhérents quant à la qualité de l'eau, et je me dois de leur répondre avec un projet sérieux. » 

Par la suite, il a sollicité l'aide de chercheurs et de écotoxicologues. Une chercheuse de l'Ifremer a répondu positivement à l'appel, bientôt rejointe par l'équipe du laboratoire EPOC (CNRS/Université de Bordeaux). 



Les échantillonneurs ou capteurs passifs : l'outil développé pour mener à bien ce projet

"Le laboratoire de l'Ifremer était d'ailleurs occupé à développer un système d'échantillonneurs passifs, les fameux capteurs, dont on a rapidement songé à équiper les surfeurs et autres usagers de l'océan volontaires sur le projet" nous explique Marc. Ces capteurs sont en capacité de mesurer la présence d'un large panel de pollution chimique dans l'eau : cosmétiqueshydrocarbures, produits pharmaceutiques, engrais, pesticides...

Il s'agit d'une membrane dans laquelle se trouve un substrat (un support)capable de concentrer les éventuels polluants à la manière d'une éponge. Les données récoltées par les capteurs devraient permettre d'échantillonner deux types de polluants : d'un côté les micropolluants organiques (tels que les pesticides, les engrais, les produits pharmaceutiques et cosmétiques), et de l'autres les polluants métalliques

Cousus sur un manchon en néoprène, l'invention est ensuite fixée sur la jambe du surfeur. Surfrider s'est associée à Créalus, une start-up basée à Saint Jean de Luz et au Water Center rattaché au Décathlon de Hendaye pour la fabrication de ces manchons.

Cette année, l'association disposait d'une dizaine de kits placés sur des salariés volontaires de l'association ainsi que sur des free-surfeurs basques et méditerranéens. Pour que les données recueillies soient exploitables, chaque capteur doivent être immergés une centaine d'heures au total. "À raison d'une heure par session, il faut sortir une centaine de fois dans l'année. Et comme nous sommes dans une phase expérimentale, il fallait que j'ai la main sur les échantillonneurs qui restent fragiles. Ils doivent être stockés au frigo, à l'abri de la lumière et il peut également y avoir de la casse. Un gros shorebreak par exemple peut les altérer." ajoute Marc concernant les différents éléments à prendre en compte. 



Une fois les données collectées...   

Les données collectées seront envoyées aux laboratoires membres du projet afin d'être analysées. Les résultats sont attendus pour les mois de mai-juin 2022. Pour le moment, deux hypothèses ont été formulées :

"Si les résultats et leur interprétation sont concluants, on pourra ensuite dupliquer le projet et le disséminer à l'échelle nationale puis européenne. Ceci est la vision optimale que l'on a du projet. À l'inverse, si les résultats ne sont pas exploitables, il est prévu qu'on pense à une restructuration du projet. Peut-être que nous nous intéresserons uniquement à la présence des hydrocarbures dans l'eau, qui se mesurent plus simplement à l'aide d'une lamelle en silicone. Ou que l'on choisira de redimensionner les capteurs ou de réadapter le manchon.

Si la présence des polluants se révèle positive, Surfrider sollicitera alors des professionnels de la santé pour savoir si le taux et la concentration de ces polluants sont nocifs pour la santé humaine et quels en sont les risques. 

"La mécanique s'est inversée. Nous déterminons dans un premier temps la présence des polluants avant d'en connaitre les risques. Début janvier, je collecte tous les kits que j'enverrai ensuite aux laboratoires avec lesquels on travaille. Si le projet fonctionne et que les résultats sont intéressants, le but est de le dupliquer.

Avant de quitter Marc, nous lui avons demandé son avis sur une question dont la réponse demeure inconnue aujourd'hui, mais que l'urgence climatique rend plus actuelle que jamais : est-il possible qu'un jour nous ne puissions plus accéder à l'océan en raison de risques sanitaires trop élevés ? 

"C'est une belle question. Les impacts liés au changement climatique pourraient engendrer des épisodes pluvieux de plus en plus intenses. Et au lieu d'avoir des fermetures d'un jour ou deux, elles pourraient durer plus longtemps. Ici au Pays basque, le débit des cours d'eau qui se jettent dans l'océan est de plus en plus faible et les territoires se chargent de plus en plus en polluants. Ces derniers, de plus en plus concentrés dans les cours d'eau atterrissent dans la mer et la polluent encore davantage. Peut être que dans dix, vingt ou cinquante ans nos littoraux seront saturés en polluants et soumis à plus de pressions anthropiques. Sans être catastrophiste, il faut penser aux scénarios de demain.

Le surf, comme l'ensemble des activités nautiques, est un moyen de se connecter à la nature et aux éléments qui la composent. Il est donc urgent de savoir si ces pratiques comportent un risque sanitaire capable d'altérer la santé humaine. À suivre... 

Par Ondine Wislez Pons

Initialement publié le 21 janvier 2022

> Davantage d'informations sur le site de Surfrider Foundation Europe

> Lire ou relire : Pollution des eaux - Surfrider Foundation s'attèle au sujet

          
Mots clés : projet, curl, environnement, pollution, chimique, surfrider foundation europe, surfeurs, capteurs, océan | Ce contenu a été lu 6427 fois.
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