Matos - La science du Fish, par Alain Minvielle

Nous avons demandé au shaper angloy, point par point, ce qui fait les particularités techniques d'un Fish, du nose au tail.

- @oceansurfreport -

Avec la rubrique Surf-Report Matos 2019 retrouvez tous les mois un article dédié au matériel, à l'équipement des surfeurs et au travail des shapers.

Nous sommes allés à la rencontre d'Alain Minvielle, illustre shaper d'Anglet, dans son atelier toujours au cœur du progrès. La première révolution du Twin, Alain s'en souvient comme si c'était hier et le raconte avec des mots encore à peine séchés : "En frontside j'adorais, c'était très rapide et tu avais une sensation de vitesse incroyable. Mais les twins d'époque en backside, il fallait doser, c'était compliqué." Partir de ce qui a déjà été fait et y ajouter un savoir-faire moderne : c'est une des missions du shaper angloy, qu'il mène notamment à bien grâce à Damien Castera, free-surfeur au style rétro doté d'une touche contemporaine, et avec qui Alain travaille depuis de nombreuses années. Parmi tous les modèles qui ornent les racks de son atelier et les photos qui tapissent les murs de sa salle de shape, nous lui avons demandé, point par point, ce qui faisait les particularités techniques d'un Fish, du nose au tail.

Alain Minvielle.
Le nose : Sur un shortboard, le nose (l'avant de la planche) sera fin et très pointu. Concernant les longboards, on observera davantage un nose relativement arrondi. Dans le cas du Fish, on se tiendra à un mélange des deux. Quel est le bon compromis ? Plus le nose est arrondi, plus la surface de la planche sur l'eau est large. On obtiendra alors plus de stabilité mais moins de maniabilité. A contrario, un nose acéré apportera de la radicalité aux courbes et aux trajectoires, mais la planche sera moins stable. Un Fish tentera de combiner le meilleur des deux, c'est à dire conserver une certaine stabilité tout en jouant sur la maniabilité. 

Damien Castera sur le modèle
La longueur : Le Twin doit rester joueur et maniable, et la distance entre le nose et le tail doit donc rester relativement courte. En général, les surfeurs vont même jusqu'à choisir une taille de planche plus réduite que leur shortboard habituel. Néanmoins, Alain ajoute que l'heure est au changement : "En général, on faisait quelque modèles tournant autour des 5'6 - 5'8 - 5'10 - 6'. Mais maintenant, toutes les portes sont ouvertes. On peut faire beaucoup de chose avec ce modèle."

Au coeur de l'atelier.
L'épaisseur : Si une planche courte entraîne généralement une perte de stabilité et ajoute quelques difficultés à la rame, la largeur et l'épaisseur des rails caractéristiques du Fish, qui vont ainsi amplifier ainsi la flottabilité, vont venir inverser cette tendance et lui permettre d'être redoutable dans les petites vagues. Ensuite, la largeur et l'épaisseur de planche, "sont relatives à l'âge et au poids de la personne", selon Alain.

Les plans d'Uncle Charlie.
Le rocker : Le rocker est relatif à la courbe de la planche. Plus il sera prononcé, plus la planche tournera, mais elle perdra en vitesse. Quel est le rocker type d'un Fish ? Une fois encore, on va privilégier la prise de vitesse. Un Fish a donc un rocker peu marqué qui permet ainsi à l'eau de se déplacer facilement sous la planche. À lui seul, cette caractéristique ne permet pas au Fish d'être très manœuvrable. Mais d'autres éléments vont venir contrebalancer cette particularité...

Un Fish conçu par Stone Surfboards.
Le tail : "Le Swallow Tail procure une vraie accroche lors des bottoms turns. Quand on appuie sur le rail, on transfère le poids de son corps sur la dérive "pivot" et ça tourne tout seul. Mais il faut tout de même savoir le contrôler." Le tail traditionnel d'un fish est relativement large, ce qui fournit de la fluidité à la glisse et apporte de la vitesse. Et cette même fluidité est également induite par l'allure du deck : "On voit beaucoup de Fish avec des channels. Mais d'un avis purement personnel, je pense que faire un concave tout le long procure davantage de vitesse. Ça me semble logique, puisqu'on garde une vraie fluidité, je trouve ça plus intéressant de ne pas casser ce rythme."


Le montage  : On associe souvent le Fish au Twin puisque ce modèle de planche est le plus fréquemment équipé de deux dérives. Néanmoins, presque tous les types de montage sont possibles : twin, thruster, quad... Chacun possédant ses caractéristiques propres. Le twin va diminuer l'adhérence mais favoriser la souplesse des courbes et l'ampleur des trajectoires. Le thruster va avoir plus de mal à conserver la vitesse de la planche, mais va avantager le contrôle et la radicalité des turns. Et le quad va encore accentuer cet notion de virages serrés et faciliter la transition d'un rail à l'autre. 

Le but du jeu : On a souvent collé au Fish l'étiquette d'une planche destinée aux petites vagues, possédant un volume généreux qui  facilite ainsi la rame lorsque les conditions sont moins bonnes, et permettant d'avoir un surf moins radical qu'avec un shortboard. D'un certain point de vue, ce jugement s'avère juste. Mais depuis le retour du Fish sur le devant de la scène, les limites de ce modèle atypique ne cessent d'être repoussées. Regardez Adrien Toyon dompter la gauche du VVF d'Anglet lors d'un swell hivernal, avec un vieux modèle Lighting Bolt en 5'10 shapé par Graham Smith. "Respect", commente Alain Minvielle. Admirez William Aliotti et un Twin conçu par Ryan Lovelace destiné pour les petites vagues, fendre la perfection indonésienne de ses courbes et le loger dans des véritables cavernes. Contemplez Torren Martyn, qu'on pourrait qualifier comme le nouveau demi-dieu de la planche aux deux dérives, maîtriser Nias comme s'il s'agissait d'une vulgaire droite, museler Desert Point, et repousser ses limites sur les zones glacées de l'Atlantique Nord avec son modèle fétiche. "Il a un super style, et un niveau technique incroyable", relève Alain.

Finalement, le potentiel du Fish n'en est peut-être qu'en phase de balbutiements.

           
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